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Ce budget est un affront pour la recherche

Loi de finances pour 2021 : recherche et enseignement supérieur


Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, rarement aura été aussi vain, futile et factice l’exercice de discussion budgétaire auquel nous nous livrons ce jour. Il survient dans un moment de crise majeure et de fragilisation extrême des établissements de l’enseignement supérieur, des étudiants et de la communauté éducative. Alors que l’université aurait besoin d’être secourue sans délais par un plan d’aide d’urgence, elle est restée à l’écart des quatre lois de finances rectificatives et des dispositions budgétaires de la loi de programmation de la recherche.


La pandémie a mis en lumière et exacerbé les conditions matérielles catastrophiques dans lesquelles se débattent la grande majorité des étudiants. Sans moyens supplémentaires, les universités ont tenté d’assurer leurs missions pédagogiques, de continuer à accueillir les étudiants dans le respect des normes sanitaires et de fournir des moyens d’existence aux étudiants les plus fragiles. Ouvrons les yeux, mes chers collègues : la faim rôde sur les campus, les universités sont exsangues et la situation économique des Crous est gravement compromise.


Votre gouvernement a décidé d’envisager la réouverture des campus en février de l’année prochaine. Vous me permettrez de considérer que cette décision a été prise pour des raisons davantage économiques que sanitaires, car les universités seraient prêtes à recevoir les étudiants si vous les aidiez financièrement à aménager leurs conditions d’accueil.


Soyons honnêtes : il n’est pas possible de maintenir pendant bientôt un an les étudiants à l’écart de leurs campus sans que cette séparation forcée ait de conséquence sur leur formation, sur leur santé psychique et sur la fonction même de l’institution universitaire. Sous nos yeux point une génération sacrifiée. L’ensemble du système universitaire est installé sur un volcan ; il est de notre responsabilité collective, mes chers collègues, que son éruption ne survienne pas avec la débâcle.


Pour affronter cette situation exceptionnelle et permettre aux universités d’y faire face « quoi qu’il en coûte », il aurait fallu un budget exceptionnel. Or celui que vous nous présentez est structurellement insuffisant pour maintenir l’essentiel et satisfaire nos ambitions collectives pour l’université.


Ce budget, comme tous ceux qui l’ont précédé depuis dix ans, ne donne pas aux établissements les ressources supplémentaires nécessaires pour contrepeser la hausse de la démographie estudiantine. Une nouvelle fois, comme chaque année depuis dix ans, la dépense moyenne par étudiant est en baisse ; il se pourrait qu’elle franchisse, en 2021, le seuil fatidique des 10 000 euros. Notre rapporteur spécial, la sénatrice Paoli-Gagin, nous le dit : « Le mode de financement des universités paraît au mieux fragile et peu pérenne, au pire obsolète. ».


En 2021, première année de mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche, les plafonds d’emplois seront en baisse, tant ceux qui sont rémunérés par les titres 2 et 3 que ceux qui sont directement financés par les opérateurs. Les rares créations d’emplois le seront « en mobilisant la vacance sous plafond d’emplois ». Votre ministère, madame la ministre, a trouvé la martingale prodigieuse qui consiste à financer des promesses par des promesses !


MM. Max Brisson et Stéphane Piednoir. Ah !


M. Pierre Ouzoulias. La situation budgétaire de la recherche n’est pas meilleure, et la chose est extravagante quand on se rappelle que la loi de programmation de la recherche, qui n’est pas encore promulguée, s’était vu assigner pour projet de porter « un effort budgétaire inédit depuis la période de l’après-guerre ». Vous me permettrez de reprendre les analyses implacables et affligées du rapporteur spécial, le sénateur Rapin, pour vous exposer rapidement ce désastre.


En 2021, cet « effort budgétaire inédit » se manifestera par une baisse des moyens budgétaires de la Mires consacrés à la recherche par rapport aux dépenses du budget général de l’État. Ce ratio était de 4,6 % en 2020 ; il diminuera à 3,9 % en 2021. Toujours plus désabusé, notre rapporteur spécial montre que les crédits supplémentaires qui donneraient l’impression de satisfaire les objectifs de la loi de programmation sont en fait destinés à « venir combler des "trous budgétaires" identifiés de longue date ».


In fine, les moyens réellement nouveaux de ce budget consistent en une maigre enveloppe de 124 millions d’euros. Je partage totalement la conclusion de notre collègue Jean-François Rapin :


« Ces choix budgétaires sont aux antipodes de l’esprit ayant présidé à l’élaboration d’une loi de programmation. »


Ce constat amer nous oblige à nous interroger sur la façon dont ce gouvernement nous a trompés sur ses intentions véritables et sur la sincérité de la loi de programmation.


M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Tout en nuances…


M. Pierre Ouzoulias. Ce budget est un affront pour la recherche et un affront pour la représentation nationale !