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La façon dont vous traitez le Parlement est un danger pour la démocratie !

Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière


Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion au Sénat du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie, la rapporteure, notre collègue Muriel Jourda, avait qualifié ce texte de projet de loi « fourre-tout », expliquant qu’il était le plus hétérogène depuis le début des années 2010. Je crois que cette triste performance vient d’être battue...


Il était encore possible de comprendre que les circonstances exceptionnelles de la lutte contre la pandémie vous obligeassent, monsieur le ministre, à procéder dans l’urgence, par ordonnances.


Mais, s’agissant du présent projet loi, bon nombre de dispositions auraient pu nous être proposées dans le cadre d’un débat approprié, ou sous forme d’articles introduits dans les très nombreux codes modifiés par ce texte. Vous avez préféré une collection d’ordonnances souvent imprécises et même parfois totalement inutiles.


Vous défendez votre méthode au nom de l’efficacité. J’y vois plutôt une forme de gesticulation législative. Ce recours systématique aux ordonnances n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution. Il s’agit soit de pallier des retards de transposition, soit de vous donner un peu plus de temps pour tenter de respecter les échéances fixées par les directives européennes. Bref, trop souvent, on demande des ordonnances au Parlement par facilité ou procrastination.


Notre rapporteur pour avis, Laurent Duplomb, a tenté, avec l’énergie que nous lui connaissons, de conformer ce texte aux principes légistiques sur lesquels veille la Haute Assemblée. Je salue sincèrement son travail, mais ce sauvetage était quasiment désespéré... J’associe à ces remerciements Jean Bizet, qui a aussi essayé de sauver le texte.


Je regrette vivement, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait choisi d’écarter leurs propositions de correction, en revenant à des rédactions initiales parfois défaillantes. Je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle,…


M. Alain Griset, ministre délégué. Merci !


M. Pierre Ouzoulias. … mais je déplore que vos collègues vous aient confié comme premier texte un projet de loi aussi peu respectueux des droits du Parlement. Au moins les prochains textes que vous pourriez défendre auront-ils l’avantage de vous sembler beaucoup plus simples...


Pourquoi toutes ces critiques ? Non seulement parce que ce recours démesuré aux ordonnances oblige le Parlement à céder à l’exécutif ses pouvoirs législatifs, ce qui fragilise le principe de la distinction des pouvoirs, mais aussi parce que cette profusion prive le Parlement, et donc nos compatriotes, de débats indispensables pour éclairer leur jugement et leur capacité à exercer le métier de citoyen.


Ainsi, je partage la critique de notre rapporteur, qui regrette vivement que l’une des ordonnances prévues constitue « un contournement du Parlement sur un sujet pourtant fondamental : celui de la protection des consommateurs ». Le Gouvernement explique ce recours à une ordonnance par les retards pris pour la rédaction des textes, mais les délais de transposition courent jusqu’au 1er juillet 2021...


Il aurait été plus opportun de soumettre au Parlement un projet de loi consacré uniquement à cette transposition. Ce débat était indispensable pour informer nos concitoyens des nouveaux droits que donne aux consommateurs la législation européenne. Plus grave : vous les privez d’une occasion – rare – de comprendre ce que peut leur apporter de concret et d’utile le Parlement européen.


Les mêmes critiques s’appliquent à la transposition de la directive dite « Omnibus », dont le Gouvernement n’a repris que quelques dispositions, qu’il nous présente en paraphrasant la directive, alors qu’il a jusqu’en novembre 2021 pour la transposer dans notre droit.


Sans entrer dans le détail, j’aimerais évoquer, avec le même esprit, plusieurs dispositions européennes relatives aux services numériques gratuits, comme les réseaux sociaux. Ce sujet aurait mérité un débat approfondi, permettant au Gouvernement d’expliciter sa doctrine en la matière. C’est une nécessité politique absolue, car je n’ai toujours pas compris la cohérence des textes et dispositions qu’il a soumis au Parlement.


Ainsi, plutôt que de nous demander de voter un texte que le Conseil constitutionnel a censuré dans sa quasi-totalité, la loi dite AVIA, il aurait été préférable qu’il organisât un débat sur la transposition de cette directive, pour nous exposer enfin sa doctrine sur le statut et les obligations des opérateurs de plateforme.


La forme que vous avez adoptée pour la discussion de toutes ces dispositions ne nous permet pas de vous exprimer notre satisfaction pour certaines d’entre elles. Nous le regrettons vivement.


D’autres nous semblent au contraire très pernicieuses. Je pense, par exemple, au rétablissement de la nullité des clauses interdisant les cessions de créances, qui contribue à la création d’instruments financiers toxiques participant à la spéculation financière.


Lors d’un discours dans cet hémicycle, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe nous avait déclaré avoir besoin du Parlement... Ce texte et la méthode détestable qui a présidé à son élaboration montrent tout le contraire. Nous voterons donc contre. La façon dont vous traitez le Parlement est un danger pour la démocratie !